Solidement enracinée au coeur de l’Europe, la Suisse est mondialement connue pour son chocolat d’excellente qualité, ses splendides pistes de ski, sa neutralité pluriséculaire et le secret bancaire de ses institutions financières. La Confédération Helvétique a la réputation d’être un paradis fiscal et son taux de chômage est de moins de 3 % (à faire pâlir de jalousie certains de ses voisins …). La Suisse est un état souverain complètement indépendant des instances communautaires européennes. Par conséquent, il est logique que les jeux de hasard en ligne obéissent à des règles juridiques qui diffèrent des pays-membres de l’Union Européenne. Penchons-nous sur les lois qui régissent l’univers du jeu en ligne en Suisse …
Bref historique du jeu en Suisse
Pendant la majeure partie du XXe siècle, les jeux d’argent (sous quelque forme que ce soit) furent soumis à un bannissement intégral sur l’ensemble du territoire helvétique en vertu d’une loi promulguée en 1921. Il faudra attendre 1993 (suite à une votation populaire) pour que cette loi soit abrogée afin de créer un nouveau cadre législatif. À l’aune de la loi fédérale sur les jeux de hasard et les maisons de jeux (édictée en 1998), 21 établissements ouvrirent leurs portes au cours des années suivantes, ce qui permit aux citoyens suisses de ne plus être obligés de se rendre dans les régions étrangères limitrophes pour s’adonner à leur passion du jeu. En juin 2018, le peuple se prononça à 72,9 % en faveur de la promulgation d’une nouvelle loi sur les jeux de hasard (« Geldspielgesetz ») qui, ratifiée par le Conseil Fédéral Suisse et entrée en vigueur en janvier 2019, définit les principes généraux qui régissent les jeux d’argent en Suisse et en décrit les modalités d’application …
Quelle est la législation actuelle sur le jeu en Suisse ?
Jusqu’au terme de l’année 2018, la constitution suisse (et plus particulièrement son article 106) établissait le distinguo entre les jeux de casino, les loteries et les paris (sportifs et hippiques). La loi fédérale sur les jeux d’argent et les maisons de jeu (entérinée en 1998) servait de base légale aux jeux de hasard « qui offrent des chances de réaliser un gain en argent » (à l’inclusion des jeux de casino). Les autres formes de jeu (comme les loteries et les paris) tombaient sous la coupe de la loi fédérale sur les loteries et les paris professionnels. Même s’il était légal d’organiser des jeux de d’argent au sein d’établissements physiques agréés (casinos), l’organisation de jeux d’argent en ligne demeurait illégale. Les loteries et la fourniture de services de paris liés à des événements sportifs étaient proscrites en vertu de la loi sur les loteries et les paris professionnels. Toutefois, des exceptions dérogatoires furent accordées à Swisslos et à la Loterie Romande, lesquelles acquirent des licences au titre du droit cantonal.
À compter du 01 janvier 2019, les jeux de casino, les loteries et les paris professionnels sont régis par une loi unique : la nouvelle loi sur les jeux d’argent (LJar). Le système de licences relatif aux jeux proposés dans les établissements physiques reste inchangé. Simplement, ces derniers ont désormais la possibilité de solliciter un prolongement de leur licence pour offrir leurs services en ligne. Les licences relatives aux loteries et aux paris professionnels en ligne restent réservées à Swisslos et la Loterie Romande. Autre chose : cette nouvelle loi introduit la possibilité d’avoir recours à des moyens de blocage pour empêcher les opérateurs étrangers (de jeux et de paris en ligne) de fournir leurs services aux citoyens suisses.
Quelles sont les licences de jeu attribuables en Suisse ?
La loi suisse établit une distinction entre les licences de casino émises à l’attention des établissements physiques, le prolongement des licences physiques pour le jeu en ligne (depuis le 01 janvier 2019) et les licences destinées aux loteries et aux paris professionnels (physiques ou en ligne).
Les licences de casino de type A
- Aucune limite de jeu ;
- Possibilité de proposer 14 jeux de table différents ;
- Mises, jackpots et gains illimités sur toutes les machines à sous.
Les casinos de type A ne sont autorisés que dans les zones géographiques comptant au moins un million d’habitants …
Les licences de casino de type B
- Habituellement accordées aux casinos implantés dans les stations thermales ou les lieux de villégiature ;
- Maximum de trois types de jeux de table ;
- Mises, jackpots et gains limités sur toutes les machines à sous.
Le nombre maximal de tables de jeu utilisées par les casinos de type B est de trois. Le nombre maximal de machines à sous présentes dans l’établissement est de 250. La limite de mise est établie à 25 CHF (francs suisses) et le jackpot maximal ne peut excéder 25.000 CHF.
Les licences de loterie et de paris professionnels
Même si l’application de la loi sur les loteries et les paris professionnels est sujette à la législation cantonale, c’est cette dernière qui régule le secteur de la loterie. C’est la Comlot (« Commission intercantonale des loteries et paris ») qui se charge d’accorder des autorisations d’exploitant aux sociétés de loterie qui en font la demande expresse. À ce jour, la Loterie Romande et Swisslos ont été les seules sociétés à avoir reçu le précieux sésame. En vertu de la nouvelle loi, il est très peu vraisemblable qu’un autre opérateur reçoive cette licence si rarissime. Les petites sociétés pourront toujours se rabattre sur une licence cantonale …
Comment faire la demande d’une licence de jeu ?
Le Conseil Fédéral Suisse statue sur le nombre maximal de licences à accorder aux casinos physiques. En outre, il se réserve le droit de définir l’emplacement géographique desdits casinos physiques. La demande écrite d’une licence d’accréditation doit être adressée à la Commission Fédérale des Maisons de Jeu (« CFMJ »). Cette dernière examine le dossier de candidature et soumet une proposition au Conseil Fédéral Suisse, lequel rend une décision finale. Les casinos ne peuvent être exploités qu’après l’obtention d’une licence accordée par le CFS et émise par la CFMJ. En vertu de la nouvelle loi sur les jeux de hasard, seuls les casinos physiques titulaires d’une licence de casino suisse sont en droit de faire la demande d’une licence complémentaire pour offrir leurs services en ligne. Pour obtenir une licence en ligne, les requérants doivent suivre la même procédure que celle relative aux casinos physiques. Les sociétés qui sollicitent une licence pour exercer des activités liées à la loterie ou aux paris professionnels doivent adresser leur candidature à la Comlot (selon l’article 105 de la nouvelle loi sur les jeux de hasard).
Les licences sont-elles soumises à des restrictions particulières ?
Les titulaires d’une licence d’accréditation ne peuvent fournir leurs services qu’au regard des dispositions prévues par ladite licence et de la réglementation juridique qui s’y attache. Les licences de casino comprennent un vaste panel de clauses restrictives relatives à la manière dont les jeux doivent être organisés, à la taille des sommes d’argent mises en jeu, aux procédures de marketing, aux protocoles de sécurité, à la protection du joueur … Si le détenteur de la licence ne se conforme pas à ses clauses constitutives, la Comlot ou la CFMJ peut la révoquer. Les différentes licences ne peuvent faire l’objet d’une cession à une tierce partie. Toute transaction impliquant le transfert d’une licence de jeu est nulle et non avenue. Une licence de casino est généralement accordée pour une période de 20 ans. Au terme de cette période, la licence en question peut être prolongée ou renouvelée. Dans certaines circonstances, elle peut faire l’objet d’une restriction, d’une suspension ou d’une révocation. La dernière hypothèse est envisageable si :
- Les conditions liées à l’émission de la licence ne sont plus remplies ;
- L’opérateur a obtenu sa licence en fournissant des informations incomplètes ou erronées ;
- L’opérateur n’a pas débuté ses activités dans le délai imparti par la CFMJ ;
- L’opérateur suspend ses opérations ou n’en assure pas la continuité ;
- La licence est utilisée à des fins frauduleuses ou inappropriées.
Quelles sont les limites imposées aux services prestés aux clients ?
- Jeux de casino = Le nombre de jeux disponibles, les limites de gains et le nombre maximal de machines à sous dans un établissement donné dépendent du type de licence octroyé (voir plus haut) ;
- Loteries intercantonales = Elles ne peuvent être proposées que par Swisslos ou la Loterie Romande ;
- Loteries (avec licence cantonale) = La mise maximale pour un pari simple est de 10 CHF. Le total des mises ne doit pas excéder 100.000 CHF (article 34 de la nouvelle loi sur les jeux d’argent) ;
- Paris sportifs (avec licence cantonale) = La mise maximale pour un pari simple est de 200 CHF. Le jour de l’événement sportif ciblé, la somme totale des paris engagés ne doit pas excéder 200.000 CHF (article 35 de la nouvelle loi sur les jeux d’argent) ;
- Tournois de poker (avec licence cantonale) = La mise maximale est de 200 CHF. La somme des mises engagées ne doit pas dépasser 20.000 CHF. Des restrictions supplémentaires s’appliquent également au sujet du nombre de tournois organisés, du nombre de participants et de la durée de chaque tournoi (article 37 de la nouvelle loi sur les jeux d’argent) ;
- Tombolas = La dotation maximale ne peut excéder 25.000 CHF (article 38 de la nouvelle loi sur les jeux d’argent).
Toute publicité à visée commerciale ciblant les jeux de hasard est formellement interdite si elle se fait de manière intrusive. De même, toute publicité pour des jeux d’argent non autorisés en Suisse est totalement prohibée et peut, le cas échéant, faire l’objet d’une amende pouvant aller jusqu’à 500.000 CHF (article 131 de la nouvelle loi sur les jeux d’argent).
Quelles sont les limites imposées aux services prestés aux clients ?
L’une des principales objections à la déréglementation du marché des casinos (physiques et virtuels) repose sur l’idée qu’une absence de législation spécifique pourrait favoriser l’addiction au jeu. Par conséquent, tous les opérateurs qui introduisent un dossier de candidature pour obtenir une licence doivent faire valoir leur politique de jeu responsable, laquelle doit clairement spécifier les mesures pratiques destinées à prévenir les comportements pathologiques liés à la dépendance au jeu (en vertu de l’article 76 de la nouvelle loi sur les jeux d’argent) :
- Informations sur les risques liés aux jeux de hasard ;
- Mise en oeuvre des demandes d’auto-exclusion temporaires ou définitives ;
- Identification précoce des joueurs à risque ;
- Formation du personnel ;
- Collecte de données sur l’efficacité des mesures de prévention.
Les casinos sont soumis à la loi fédérale sur la lutte contre le blanchiment d’argent et le financement du terrorisme (étant donné que les casinos sont considérés comme des entremetteurs financiers). La CFMJ a publié une ordonnance dans le but de clarifier l’applicabilité de cette loi au secteur des casinos. Par ailleurs, la majorité des casinos titulaires d’une licence d’exploitation sont également membres d’un comité d’autorégulation qui définit lui-même ses normes et directives anti-blanchiment. Les établissements qui relèvent de la loi contre le blanchiment de capitaux doivent se conformer à une batterie d’obligations. Par exemple, sitôt qu’un joueur pénètre dans un casino et y effectue des opérations financières (dépôts et retraits), les casinos sont tenus de vérifier son identité. De plus, les casinos doivent immédiatement signaler tout soupçon de blanchiment d’argent et respecter les dispositions juridiques de la loi contre la corruption. Toute violation de cette loi pourrait entraîner la révocation de la licence du casino. À noter au passage que les sociétés de loterie ne sont pas considérés comme des entremetteurs financiers.
En quoi la législation actuelle affecte-t-elle la disponibilité en ligne des opérateurs suisses et étrangers ?
Le jeu en ligne n’est pas clairement défini par la législation actuelle. Seule le canal de distribution permet de savoir si un jeu est à classer dans la catégorie des jeux en ligne. Depuis le 01 janvier 2019, les casinos qui disposent déjà d’une licence d’exploitation peuvent demander l’extension de cette licence pour être en mesure de proposer leurs services en ligne. En Suisse, il est absolument interdit de proposer des jeux en ligne sans être titulaire d’une licence spécifique. Les opérateurs étrangers sans licence qui proposent des jeux d’argent en ligne aux citoyens suisses s’exposent à des mesures de blocage mises en place par les fournisseurs d’accès à Internet. Cependant, rien n’empêche les opérateurs étrangers de s’associer avec des casinos suisses pour pouvoir légalement opérer sur le marché en ligne suisse. Le partenariat ne pourra être approuvé que si l’opérateur jouit d’une solide réputation. Pour accéder aux jeux en ligne, le joueur devra ouvrir un compte chez un opérateur agréé, avoir au moins 18 ans, résider en Suisse et ne pas être interdit de jeu. En outre, ses gains éventuels ne pourront être crédités que sur un compte établi à son nom (en vertu de l’article 45 de la nouvelle loi sur les jeux d’argent).
Quelle forme peuvent prendre les mesures punitives en Suisse ?
En cas de non-respect des clauses constitutives de la loi sur les jeux d’argent, la licence des contrevenants (casinos, opérateurs de paris …) pourra faire l’objet d’une révocation. En cas de grave manquement, des peines de prison et des amendes pouvant aller jusqu’à 500.000 CHF pourront être appliquées. Les sites web d’opérateurs étrangers verront, en l’absence d’une licence d’exploitation suisse, leur adresse IP bloquée et leur(s) nom(s) inscrit(s) sur une liste noire publique. En outre, aucune loi communautaire (ou extranationale) n’a d’emprise sur la législation suisse actuelle, la Suisse ne faisant pas partie de l’Union Européenne.
Que penser de la législation actuelle sur les casinos en ligne suisses ?
Entrée en vigueur le 01 janvier 2019, la nouvelle loi sur les jeux d’argent permet désormais aux casinos suisses de proposer leurs services en ligne. La nouvelle législation vise à renforcer la protection des joueurs les plus vulnérables par un chapelet de mesures pratiques : suspensions de compte temporaires ou permanentes, conseils contre l’addiction pathologique, restrictions commerciales et publicitaires … D’autres dispositions législatives ont été prévues pour garantir la sécurité et la transparence du jeu en ligne (notamment grâce à une batterie de mesures contre la collusion, la tricherie et la manipulation). Voyons ce que l’avenir nous réserve!